chine…Wenquan: 1ère semaine par Cécile Pacaut

Allez zouh : CR et photos de la 1ère semaine à Wenquan = 1 jour d’explo et 5 jours d’encadrement de stage perf.

A part ça je suis en ce moment au fond d’un immense poljé et il pleut; en bref, tout baigne.  Cécile Pacaut

Bises

Cécile


photo Cécile Pacaut

MARDI 9 AVRIL

Donc on reprend les classiques :

Proberbe du Guizhou : « Pas 2 champs sans maïs, pas 2 sous dans la poche du paysan, pas 2 jours sans pluie ».

Donc il pleut, et pas qu’un peu, perspective sympa pour les marches d’approche. Les marchands de parapluie de Wenquan voient débarquer quelques uns des gentils membres de l’expé.

Je fais équipe avec Jean et nous partons avec Eric et Nicolas qui ont pour objectif de poursuivre les explorations dans une grotte assez proche de la nôtre.

Jean vivant depuis 25 ans en Chine, c’est une chance énorme que de découvrir le Guizhou avec lui !

Après quelques difficultés à retrouver le chemin d’accès (ce qui nous aura permis de faire un détour pour aller voir l’énorme porche de Dàdòng (Grande Grotte) d’une bonne centaire de mètres de haut), nous stoppons au niveau d’un petit village de fermes de bois, ayant chacune leur séchoir à tabac et s’échelonnant le long de cultures en terrasse.

photo Cécile Pacaut: montée Jianjiaodong

Il faut dire que partout la nature a été aménagée par l’homme, enfin du moins là où les pentes ne sont pas trop abruptes. Même si petit à petit de plus en plus de terrasses sont abandonnées suite à l’exode rural amplifié par la politique d’urbanisation intensive, le paysage reste quasi totalement façonné. Le type de culture qu’on trouve dans les champs permet d’appréhender le niveau de vie des paysans : les cultures sont majoritairement vivrières (riz, maïs, pommes de terres, légumes verts) ; ceux qui parviennent en plus à cultiver le colza bénéficie de revenus, ce qui n’est pas le cas de tous !

Ce sont donc des chemins paysans, d’accès aux champs et aux fermes situées dans des zones encore plus reculées sur lesquels nous traînons nos bottes pour monter aux trous. Sous le couvert boisé, la pluie fait fleurir de nombreuses odeurs pendant que le regard s’attarde sur les iris sauvages.

1er trou : Jianjiaodòng (Grotte des cornes acérées)

Marche d’approche :40mn

TPST : 3 heures

Explo : 60 mètres

Topo : 0 mètres

Participants : Jean, Cécile

Pour mon baptême de grottes chinoises, réputées énoooooormes, n’est-ce pas ? j’ai droit à un méandre type « alpin ». Combi toile de rigueur pour affronter le méandre d’entrée de la « Grotte des cornes acérées ». Le nom de la grotte vous donne l’ambiance de ce méandre jamais étroit, mais peu large qui permet d’accéder au bout d’une centaine de mètres (et non pas de 40m…) au sommet d’un puits estimé à 40m il y a 10 ans par Jean.

Le méandre se révèle fort patiné à ma grande surprise : c’est l’oeuvre des rats des grottes, qui viennent y faire leurs nids à l’aide de feuilles bien particulières. Il est intéressant de savoir repérer ces nids, car leur présence indique un accès à l’extérieur relativement proche alors qu’on est parfois loin de l’entrée.

Jean équipe à l’aide de vis multi-monti : on perce à 6mm, pas besoin de tamponnoir pour finaliser, on soufflète le trou, le pas de vis creuse son emplacement, et au déséquipement on récupère les vis. On peut éventuellement réutiliser les mêmes trous la fois suivante, mais mieux vaut prévoir le perfo quand même !

J’en profite pour observer des criquets troglobies, qui se déplacent sur parois en reconnaissant leur parcours à l’aide d’antennes surdimensionnées. On en croise souvent, même dans zones très aquatiques car ils ont la capacité de tenir debout sur l’eau et de pouvoir s’y déplacer presque aussi rapidement que sur la roche.

Après avoir équipé le début du puits en dehors des embruns du petit actif qui se jette dans le puits, on passe une margelle 15m en contrebas alors que le puits continue, et une fois au bout de nos 80m de cordes, on estime que nous faisons face à un P100 (puits faille avec quelques légers gradins) et non pas un P40. L’enjeu devient extrêmement intéressant puisque cela pourrait permettre de passer sous la couche imperméable qui empêche de rejoindre les couches dans lesquelles la Shanghe se développe. Si la jonction se fait, cela constituerait la 1ère traversée complète du massif d’une part, et d’autre part une possibilité d’accès peut être plus rapide à des zones d’exploration désormais vraiment éloignées. Ce qui est loin d’être gagné, car à vol de chauve souris, environ 1km sépare les 2 grottes et environ 300m de dénivellation si on considère le bas du P100 qui reste à descendre.

On déséquipe et on ressort.

Il ne pleut plus. On décide de crapahuter pour rejoindre le trou d’Eric et Nicolas tout en prospectant un peu. Les paysages entre brumes et végétation donnent une atmosphère à la fois très intimiste et une vision de l’infinie propre aux estampes chinoises. Petit moment de solitude délicieuse à gouter la quiétude onirique de traversées en chemin balcon et de grimpettes de terrasses en terrasses…

photo Cécile Pacaut montée Gantudong

2è trou : Gantudòng (Grotte de la terre sèche)

Marche d’approche :errance à travers les terrasses !

TPST : 2 heures

Explo / Topo : 103 mètres

Participants : Jean, Cécile

On en profite pour aller faire la topo de 2 laminoirs qui n’avaient pas été vus (où sont donc encore les grands espaces chinois, grrrr…). On réalise ensuite la jonction avecLiángfengyádàfengdòng (Grotte du vent de la montagne de Liangfeng) par le haut, alors qu’Eric et Nicolas remontent après avoir fait la jonction par le bas. Contrat bouclé.

Je rencontre ma première chauve souris chinois, individu pour le coup relativement plus gros que chez nous sans être énorme.

J’en verrai souvent par la suite ; parfois elles volent par dizaines dans des zones vastes dans lesquelles on passe.

A notre retour au hameau où nous sommes garés, nous constatons que le tout nouveau 4×4 d’occasion de Jean s’est fait encenser à notre ! C’est sans doute ce qui peut lui arriver de mieux compte tenu des surprises diverses et avariées qu’il réserve à son nouveau propriétaire à chaque utilisation…

MERCREDI 10 AVRIL

Le matin, je constate que les rats sont passés dans le local matos qu’on avait oublié de fermer la veille. Ils ont manifestement trouvé qu’un duvet de l’expé ainsi que les rembourrages de mon sac à dos devaient être parfaits pour aménager leur nid, grumpf !

Je rejoins l’équipement d’encadrement du stage perf : Jean, Jean Pierre, Eric et moi, aidés de Li Po, Zhei, Hanfeng, Zhung.

Le matin est consacré à une séance dans la grande salle de réunion de la mairie de Wenquan où Jean commente un powerpoint généraliste sur la spéléo en anglais et Li Po assure la traduction. C’est l’occasion pour moi d’acquérir le vocabulaire spéléo en anglais.

photo Cécile Pacaut

L’après midi est consacré au maniement du matériel et à la progression sur la falaise école aménagée il y a quelques années par les français au dessus du village.

Nous avons 8 stagiaires « officiels », auxquels viennent se greffer d’anciens stagiaires sympathisants et motivés pour réviser, puis les journalistes qui se mettent le baudrier aux fesses. J’ai du mal à faire la part des choses dans ce tas de chinois ! Qui plus est à part le Nicolas Hulot chinois, aucun de nos apprentis ne parle vraiment anglais. Les traductions de Li Po, Zhei et Zhung sont salvatrices, ainsi que les quelques mots de chinois appris sur le tas.

Le niveau des stagiaires est très hétérogène. L’apprentissage par imitation de la gestuelle se fait avec une facilité et une rapidité incroyable pour la plupart des stagiaires. On est en plein transfert de compétences Occident → Chine, et je prends conscience de la capacité et de l’efficacité d’absorption des chinois !

JEUDI 11 AVRIL

Encadrement stage perf suite.

Matin en salle : prévention santé, secours et gestion des risques

Après midi falaise.

VENDREDI 12 AVRIL

Encadrement stage perf suite.

Trou : Sanwangdong

photo Cécile Pacaut: Sanwangdong

Marche d’approche : 20 mn sous la pluie, grumpf…

TPST : 5h

Participants : Jean Pierre, Cécile, Hanfeng, Li Po, Zhou Wen Long, Zhung, Li Ming Song, Yan Zhi, et quelques stagiaires ou assimilés !

Ah, ben voilà enfin une grottasse aux dimensions respectablement chinoises…

Quelques photos parlant mieux qu’un long discours, voir Picasa !

Agréable traversée que nous avons descendue puis remontée le long d’une rivière dont l’extrémité avale est joliment décorée de gros tuyaux plastiques. C’est souvent que les rivières souterraines qui résurgent sont captées partiellement au avec les moyens du bord, les chinois ayant installé parfois des centaines de mètres voir des kilomètres de tuyaux à l’intérieur même des grottes pour bénéficier au mieux des dénivelées pour acheminer l’eau jusque dans les champs à irriguer ou les fermes à alimenter. Quel travail !

Le travail de recensement, topographie, compréhension géologique réalisé par les explorations spéléologiques contribuent également à la connaissance et à la maîtrise de la ressource hydrique. Il ne faut pas oublier que nous sommes là seulement sur autorisation du gouvernement, sous le patronage de l’Institut of Mountain Ressources of Guizhou qui négocie nos objectifs avec les autorités locales, quand ce ne sont pas ces dernières qui réclament notre présence avec leur objectifs propres. Le travail réalisé constitue à certains endroits une véritable aide au développement.

Les chinois ont exploité leurs grottes pendant des siècles pour diverses raisons en dehors de l’eau. La plus importante qui soit visible est l’exploitation des sables dans les zones de concentration de guano pour en extraire les nitrates permettant de fabriquer de l’engrais ou de la poudre noire. On trouve d’ailleurs des bassins de décantation et des fours dans les entrées de grottes, ce qui est le cas à Sanwandong même si les installations y sont très peu visibles aujourd’hui alors qu’elles sont parfois quasiment en l’état en certains endroits.

photo Cécile Pacaut:Sanwangdong

Autre découverte à Sanwandong : les petites grenouilles noires à pois rouges, grimpeuses hors pair. Ainsi que moultes araignées, insectes, chenilles, etc dont des échantillons sont scrupuleusement prélevés.

C’est que nous avons parmi notre public support un micro-biologiste émérite, amateur de bébêtes diverses, spéléo pratiquant, et militant pour l’étude de la biospéléo et carrément de la bactérie de trou, ce dernier domaine étant quasi totalement ignoré, alors que selon lui potentiellement porteur de perspectives intéressantes.

J’ai d’ailleurs la chance d’avoir le droit le soir à une petite conférence privée avec quelques autres des résultats des recherches de ce passionné plein d’humour. A travers l’étude de bactéries se développant dans divers échantillons de sol dans des milieux « hostiles » (déserts, fonds marins, grottes), son équipe est arrivée à isoler une nouvelle molécule ayant des propriétés anti-biotique, l’effet anti-cancérigène étant à l’étude… Je n’ai pas compris tous les fétails, en tout cas il s’agit quasi d’une 1ère mondiale dont le résultat probant provient bien des échantillons « spéléos ». Surprenant non ?

Bon, pour revenir en surface, on observe quelques spéciments particulièrement gros de papillons, libellules, frelons (gloups) ; le tout étant à l’échelle du pays encore une fois !

photo Cécile Pacaut: Sanwangfdong

Et pour rester dans le côté « nature », lors du debriefing du soir, l’un des stagiaires pose la question de l’impact environnemental de notre pratique. Edifiant quand on voit les comportements en surface de la plupart des chinois ! Il faut dire que le vert progresse quand même en Chine, et qu’on pourrait même dire que si les poubelles sont encore jetées dans les rivières, il existe des sujets où la Chine a de l’avance sur la France, eh oui !

SAMEDI 13 AVRIL

Encadrement stage perf suite.

Matin en salle : karstologie – topographie

Après midi : topographie sur le terrain dans la grotte touristique de Dàfengdòng (Grotte du grand vent), dont la mise en lumière bien kitsch est typique de la grotte touristique chinoise paraît-il !

TPST 2h, puis retour à l’hôtel pour reports topos.

Il paraît qu’on nous a vu à la télé la veille, ça commence… Il faut dire que l’équipe du Nicolas Hulot chinois vit plus ou moins avec nous.

Le 1er reportage repasse à 18h sur CCTV13 (la chaîne d’informations en continu), tout l’hôtel colle son nez devant la télé. Pas question d’un petit reportage comme on a l’habitude chez nous, là on ne doit pas être loin de la demie-heure d’antenne sur une chaîne nationale majeure.

Et paf, ça continue avec les interviews de la presse écrite, Jean n’est pas loin de la starification cette semaine !

DIMANCHE 14 AVRIL

Encadrement stage perf suite.

Grand beau temps, le T shirt et les lunettes de soleil sont de rigueur !

Je me colle avec Eric à l’opération falaise programmée à la demande de 5 stagiaires « avancés » souhaitant travailler l’utilisation des systèmes de poulies, et de techniques auto-secours / secours

Le soir, après le dernier débriefing du stage, Jean et Li Po procèdent à la remise des jolis certificats de stage que nous avons tous dûment signés sous le regard attentif des stagiaires. S’ensuit évidemment une séance de photos interminaaaaaaaaaaable, mais bien sympathique.

Au final, tout au long du stage, au delà de l’obstacle de la langue et des différences de culture, ce sont bien les mêmes choses qui nous font rire et quand chacun fait l’effort de s’adapter à l’autre, que de bons moments à partager !


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